EP2ED2

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Exploration de la Phonologie et de la Pression Evaluative dans la Dyslexie Développementale

Résumé : Définie comme un trouble persistant et durable dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dont l’origine est génétique et neurobiologique, la dyslexie développementale représente 7 à 10% des enfants scolarisés. Actuellement, l’hypothèse explicative privilégiée, celle d’un stock de représentations phonologiques imprécises voire dégradées en mémoire, fait du déficit phonologique un marqueur universel de la dyslexie développementale. Mais une hypothèse alternative particulièrement prometteuse, peu étudiée, évoque un accès dégradé aux représentations phonologiques. Au travers d’une double approche ayant pour vocation finale de mieux caractériser les difficultés en lecture des enfants dyslexiques pour émettre des recommandations appropriées au diagnostic, ce projet envisage :

1) d’identifier les aspects préservés du système phonologique des enfants dyslexiques en dépassant, notamment, une conception de la lecture comme strictement déterminée par la capacité du système cognitif à analyser, à extraire et à exploiter les propriétés linguistiques spécifiques à une langue ;

2) de s’appuyer, pour cela, sur un champ de recherche particulièrement actif aux États-Unis et qui suggère que des propriétés phonologiques universelles expliqueraient les stratégies de segmentation et d’accès au lexique. Cette piste n’a quasiment pas pénétré le champ de l’apprentissage de la lecture, alors qu’elle dispose dans ce domaine d’un potentiel considérable pour l’interprétation des difficultés fréquemment observées ;

3) de mieux appréhender le déficit d’accès aux représentations phonologiques en relation avec un facteur inexploré : l’influence du contexte d’évaluation des troubles. En effet, les travaux de ces 20 dernières années dans le domaine de la régulation sociale des fonctionnements cognitifs laissent entrevoir le contexte comme un puissant modulateur des processus liés à la mémorisation, à la récupération et à l’utilisation des représentations phonologiques. Pourtant, aucune étude n’a conjointement envisagé le rôle des propriétés phonologiques universelles et du contexte socio-évaluatif dans les difficultés en lecture des enfants dyslexiques.

Attendus : Cette étude, bien qu’exploratoire, devrait permettre de dégager un ensemble de résultats nouveaux et alternatifs aux conceptions actuelles, pouvant être répartis en deux catégories : 1) démontrer la sensibilité des enfants normo-lecteurs et dyslexiques aux propriétés phonologiques universelles et préciser les interactions avec les propriétés linguistiques spécifiques au français (axe 1) ; 2) quantifier l’influence du contexte social évaluatif sur les mécanismes et processus de lecture des enfants normo-lecteurs et dyslexiques (axe 2) et nuancer l’hypothèse de représentations phonologiques dégradées (axes 1 et 2). De tels résultats ouvriront la voie à une identification possible des marqueurs électro-physiologiques de la perception, de la récupération et de l’utilisation des propriétés phonologiques universelles et des régions cérébrales impliquées et potentiellement perturbées par les contraintes liées au contexte social évaluatif sur les mécanismes de lecture.

Dans l’axe 1, il est attendu la mise en évidence d’une trajectoire développementale de la sensibilité aux propriétés phonologiques universelles sur les stratégies de de segmentation, d’accès au lexique et de réparation phonologique en lecture chez les enfants normo-lecteurs (approche transversale), mais également chez les enfants dyslexiques développementaux (approche étiopathogénique). Les résultats devraient mettre en évidence un gradient de sensibilité automatique, précoce et durable aux propriétés phonologiques universelles, à savoir une hiérarchisation dans le recours à celles-ci ; notamment, une collaboration (co-contribution) de ces propriétés avec les propriétés statistiques et structurales disponibles en français, jusqu’à un mécanisme de compensation (relais ou substitution) des défaillances du système d’analyse linguistique spécifique au français (e.g., situations où les connaissances linguistiques des enfants seraient peu développées). L’axe 1 devrait, finalement, valider l’hypothèse d’un accèsdéficitaire aux représentations phonologiques et au lexique plutôt que des représentations phonologiques dégradées chez les enfants dyslexiques développementaux.

Dans l’axe 2, il est attendu la mise en évidence d’une pesanteur menaçante du contexte d’évaluation des compétences en lecture en présence d’un évaluateur ou de la présentation des tâches comme diagnostiques. Dans ces conditions, les enfants ayant été préalablement diagnostiqués dyslexiques développementaux ressentiraient alors un inconfort psychologique plus conséquent que les enfants normo-lecteurs, ce qui devrait se traduire d’une part, par une réponse électrodermale plus forte (marqueur d’une réponse au stress) et d’autre part, par une surcharge cognitive délétère aux performances en lecture. L’axe 2, au travers de la comparaison des performances en lecture des enfants ayant réalisé les tâches en contexte évaluatif aux performances en lecture des enfants placés en contexte non-évaluatif (i.e., absence d’un évaluateur, tâches présentées comme non-diagnostiques), devrait permettre d’attester de lacontribution des effets du contexte évaluatif à la mesure objectives des déficits, en particulier de l’accès aux représentations phonologiques et au lexique, mais pouvant également rendre compte d’un double déficit avec une altération des représentations phonologiques elles-mêmes.

À l’issue de ces deux axes, l’objectif est de développer et proposer un outil informatisé d’évaluation des habiletés phonologiques universelles relié au statut du contexte d’évaluation, notamment au travers du rôle modérateur des consignes.

Porteur : Norbert Maïonchi-Pino (LAPSCO, CNRS UMR 6024 – UCA) - Partenaires : LRL, CHU

Disciplines : Psychologie cognitive, linguistique, psychologie sociale, psycholinguistique