Fouille programmée de l'oppidum de Gergovie
© Henri Derus Photographie
FOUILLE PROGRAMMÉE DE L'OPPIDUM DE GERGOVIE
« Quartier des Artisans », La Roche-Blanche (Puy-de-Dôme)
Du 20 juin au 29 juillet 2022 s’est tenue une nouvelle fouille programmée sur l'oppidum de Gergovie. Celle-ci a été conduite, sous la tutelle de l'État (DRAC ARA - Service régional de l’archéologie) et en partenariat avec le Conseil départemental du Puy-de-Dôme et le musée archéologique de la bataille de Gergovie, par une équipe placée sous la direction de Yann Deberge et Marion Dacko. L’équipe associe des archéologues de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), de la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand (Université Clermont Auvergne / CNRS), de l’Association du site de Gergovie et une quinzaine de stagiaires dans le cadre de leur formation universitaire.
Cette nouvelle opération a pour objectif d’actualiser les connaissances sur un secteur situé sur le rebord sud du plateau de Gergovie, au débouché de l’un des axes viaires majeur du site, qui constituait probablement l’accès principal à la ville fortifiée occupée entre les années 60 avant J.-C. et 20 de notre ère.
Cette zone clé a fait l’objet de recherches successives en 1861 en prévision d’une visite du site par l’empereur Napoléon III, dans les années 1930 par une équipe d’archéologues franco-britanniques, pendant la Seconde Guerre mondiale par le professeur strasbourgeois Jean-Jacques Hatt entouré du groupe d’étudiants résistants nommés « les Gergoviotes » et enfin par le professeur toulousain Michel Labrousse qui achève les fouilles en 1949. Ces différentes investigations ont mis au jour une succession de constructions, d’abord sommaires et en pierres sèches, puis massives et liées au mortier de chaux, toutes distribuées selon un axe ouest-est et situées sur le rebord du plateau. La cinquantaine de tronçons de murs dégagés est alors interprétée comme des vestiges de la fortification de la ville ainsi de petits bâtiments construits dans les dernières décennies du Ier siècle avant J.-C et servant de modestes échoppes et ateliers dédiés au travail du fer. Ce secteur prend dès lors le nom de « Quartier des Artisans »…
Entre 2013 et 2021, les fouilles archéologiques conduites par Peter Jud et son équipe en retrait du rebord du plateau, à 50 mètres de la zone de fouille actuelle, ont permis la découverte de constructions monumentales en pierres sèches, dont le plan évoque celui d’une porte bâtie dans la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C, ou peu avant. L’un des objectifs des nouvelles investigations menées en 2022 est de comprendre l’articulation entre les éléments urbains mis au jour dans les années 2010 et les vestiges du « Quartier des Artisans » fouillé jusqu’en 1949. Le tracé de la muraille de l’oppidum quittait-il la ligne de crête du plateau pour gagner une porte située en arrière de la rupture de pente ? Ou suivait-il au contraire le rebord du plateau ? Il s’agit également de déterminer quelle population occupait ce point d’accès à la ville : simples artisans qui vendaient leurs productions aux passants comme le pensaient nos prédécesseurs ? Ou, comme le suggère davantage le mobilier retrouvé sur place, des habitants au statut relativement privilégié, associant des artisans à des hommes d’armes, aux usages romanisés et consommant en masse des produits importés ?
Afin de répondre à ces questionnements, la fouille initiée en 2022 a été conçue comme une opération « test » vouée à dresser un bilan documentaire préalablement à de futures investigations inscrites dans la durée. Les nouvelles interventions sont donc consacrées au réexamen des fouilles réalisées entre 1861 et 1949. Ces excavations anciennes sont en effet loin d’avoir été exhaustives, se limitant parfois à suivre les maçonneries antiques sans aller en profondeur, et les rares comptes rendus et plans qui nous sont parvenus se révèlent souvent imprécis.
Le croisement des diverses méthodes mises en œuvre en 2022 (fouille stratigraphique, prospections géophysiques, levé Lidar par drone, étude archivistique) montre que ce secteur, bien que fouillé à de multiples reprises par le passé, offre un potentiel informatif important, voire inégalé pour l’ensemble du site de Gergovie. Les vestiges sont relativement bien préservés avec des sols construits et des élévations ; la puissance des couches archéologiques se révèle tout à fait hors norme à l’échelle du plateau et atteint par endroit près de 3 mètres d’épaisseur. Trois à quatre constructions se sont succédées dans la partie orientale du secteur étudié. La plus récente semble correspondre à un aménagement public d’au moins 40 mètres de longueur édifié autour du changement d’ère sur la bordure de plateau et dans l’axe de la fortification protohistorique. Sa position et son plan évoquent un possible ouvrage défensif situé à l’un des accès majeurs de l’oppidum.
Une nouvelle campagne de fouille est programmée du 12 juin au 21 juillet 2023 : en savoir plus...